Too Good To Go - Lucie Basch et son équipe

Too Good To Go

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EN LUTTE CONTRE LE GASPILLAGE ALIMENTAIRE AVEC TOO GOOD TO GO

Eco-Tour de France rencontre Too Good To Go: sauveteurs de repas et pionniers de la lutte contre le gaspillage alimentaire.

Dans l’incubateur Smart Food de Paris&Co, Eco-tour de France vous fait découvrir les coulisses de Too Good To Go.
Entretien avec Lucie Basch, créatrice de l’application anti gaspillage alimentaire.

ETDF : Lucie, d’où vient votre engagement contre le gaspillage alimentaire ?

Lucie Basch portrait incubateur Smart Food Paris & Co

Lucie Basch – Fondatrice de Too Good To Go

Lucie Basch :

Le gaspillage alimentaire, c’est quelque chose qui m’a toujours énormément troublée. J’ai travaillé avant dans l’industrie agro-alimentaire. Et j’étais choquée de constater que le gaspillage alimentaire faisait partie du processus de production. C’est-à-dire que lorsqu’on produit de la nourriture aujourd’hui, on a des aliments qui rentrent dans une machine, et derrière on a des produits qui sont bons pour être consommés et des produits qui sont bons pour être jetés. Ça m’a vraiment fait prendre conscience qu’il y avait un réel problème aujourd’hui. Voir partir à la poubelle de la nourriture encore bonne à être mangée, ça n’a pas de sens.

ETDF : Et comment vous est venue l’idée de Too Good to Go ?

Lucie Basch : Un jour, je suis passée devant une boulangerie où une personne était en train de jeter de nombreux produits à la poubelle puisque c’était la fin de la journée. Et à ce moment-là je lui dis « Attendez, ne jetez pas tous ces produits. Moi, je serais ravie de les récupérer».  Elle me répond « non, je n’ai pas le droit de les donner ». Je lui ai donc proposé de les racheter. Et pour le prix de quelques pains au chocolat et pâtisseries, elle m’a donné trois fois plus de choses. Elle était ravie de ne pas avoir à jeter tous ces produits comme elle le faisait tous les soirs. Et moi j’étais très contente de ce que j’avais récupéré.

Je me suis dit : si on peut établir cette expérience chez l’ensemble des commerçants du quartier tous les soirs, on ferait juste des heureux du côté commerçant comme du côté utilisateur, et on pourrait réduire considérablement le gaspillage alimentaire. Et c’est là que j’ai quitté mon boulot et que je me suis mise à la conception de l’application Too Good To Go.

ETDF : Quels sont les principes du concept Too Good To Go?

Too Good To Go : l'applicationLucie Basch: J’ai vraiment eu le déclic en me disant : il faut trouver une solution simple et motivante pour les commerçants comme pour les utilisateurs. Pour que les commerçants n’aient plus à jeter les produits invendus et que les utilisateurs soient intéressés à venir les récupérer en fin de journée.

Il fallait donc proposer à chacun un intérêt économique: valoriser ses invendus pour le commerçant, bénéficier de petits prix (4 à 5 fois moins cher) pour le consommateur. Mais il fallait aussi un moyen simple et rapide, adapté au quotidien de chacun. Le choix de passer par une application mobile s’est vite imposé.

Ensuite, comment faire pour que le boulanger prenne le temps d’aller répertorier ses produits ou d’aller utiliser l’application ? Et c’est vraiment avec l’idée du panier surprise que j’ai eu le déclic. Ça devient aussi simple pour eux que de jeter. Et c’est ce qui fait la force du concept aujourd’hui. Et puis en fait les gens aiment bien la surprise, c’est ce qui va aussi faire que l’utilisateur se déplace, il va se laisser étonner et découvrir de nouveaux produits, ça fait complètement partie de l’expérience Too Good To Go.

ETDF : L’économie réalisée sur leurs achats est-elle la première motivation des utilisateurs de votre application ?

Lucie Basch : On pourrait croire à l’origine que ce qui va motiver les gens, c’est l’aspect économique, et c’est peut-être le cas. Mais pour moi ce qui était important c’était de faire d’une pierre deux coups, en se disant : je vais manger à prix réduit et aussi réduire le gaspillage alimentaire. J’ai voulu que Too Good To Go soit un concept ludique pour convertir un maximum de personnes, et permettre au niveau du public une prise de conscience sur la problématique du gaspillage alimentaire aujourd’hui. Donc, oui, on essaie de motiver des gens à le faire en leur proposant également des prix réduits, mais l’idée c’est avant tout de sensibiliser le consommateur à faire un geste citoyen et à réduire le gaspillage alimentaire.

Il y a peut-être beaucoup de personnes qui le font à la base parce que pour 3€ ils vont récupérer jusqu’à 15€ de produits. Mais je pense sincèrement qu’en récupérant ces produits qui seraient partis à la poubelle, chacun pourra se rendre compte de la problématique du gaspillage alimentaire. Que chacun y soit sensibilisé et arrive à prendre des actions derrière pour essayer de le réduire, que ce soit chez soi dans la manière dont il consomme, et en général.

ETDF : Too Good To Go a un peu plus d’1 an. Racontez-nous votre aventure entrepreneuriale.

Lucie Basch : Au tout début de Too Good To Go en avril 2016, j’ai commencé par faire le tour de tous les commerces de Paris et de Lille sur mon vélo. J’ai tapé à la porte des commerçants pour leur parler du concept. Ça a été long et douloureux. Tout simplement parce que les gens n’aiment pas forcément le changement. Ils ne veulent pas forcément être pionniers dans quelque chose. Ils ne voyaient pas encore le concept fonctionner concrètement. Peut-être que moi aussi, je n’étais pas encore sûre du concept et du succès qu’il peut avoir aujourd’hui. Mais ça a fini par se mettre en place avec une trentaine de commerçants qui avaient accepté de nous rejoindre, on a pu lancer l’application.

C’était en juin 2016 et à ce moment-là j’étais encore quasiment toute seule. Il y avait beaucoup de bénévoles qui me rejoignaient pour une période plus ou moins courte. Certains me disaient « je pars à l’étranger dans 2 mois. J’attends mon visa. Je préfère contribuer au concept plutôt que de rester chez moi à ne rien faire ». Donc c’est vraiment comme ça que le concept s’est mis en place petit à petit. De nombreuses personnes dans leur ville ont commencé à nous contacter en nous disant « c’est une solution géniale ! comment est-ce que je peux aider à la mettre en place dans ma ville ? ». Petit à petit, l’équipe a grossi. Les bénévoles sont devenus des salariés.

Donc au fur et à mesure, de plus en plus de commerçants on rejoint l’aventure. Au début c’était uniquement nous qui les contactions jusqu’au jour où un premier commerçant nous a contacté de lui-même pour rejoindre l’application. C’était le premier beau succès de l’aventure. Aujourd’hui, il y en a plusieurs dizaines qui nous contactent chaque semaine pour s’inscrire et rejoindre l’application.

ETDF : Où en est Too Good To Go aujourd’hui ?

Too Good To Go Lucie Basch Camille ColbusLucie Basch : Aujourd’hui on a une équipe d’une quinzaine de personnes qui travaille quotidiennement au développement de l’application. On est présents dans une trentaine de villes dans toute la France. Plus de 1500 commerçants partenaires ont rejoint l’application. Et plus de 400000 personnes l’on téléchargée. En un peu plus d’un an, on a pu sauver plus de 250 000 repas de la poubelle avec une croissance de 30% par mois. Donc clairement les choses s’envolent assez vite.

ETDF : Le nombre de repas sauvé est-il votre seul indicateur de croissance ?

Lucie Basch : C’est ce qui nous drive nous. Il y a eu énormément de bénévoles qui se sont impliqués dans l’aventure et c’est pour ça qu’ils l’ont fait. Pour se dire qu’on sauve chaque jour des milliers de repas. Et ce qui est bien et viable, c’est qu’en réduisant le gaspillage alimentaire, on crée de la valeur économique. Et finalement nos objectifs d’impact environnemental et notre chiffre d’affaires sont parfaitement liés. Ça nous permet de développer une entreprise pérenne avec un impact de plus en plus important.

ETDF : Comment expliquez-vous le succès soudain de Too Good To Go ?

Too Good To Go - presseLucie Basch : La presse et les médias ont été un vrai vecteur de communication là-dessus. Effectivement, c’est un concept qui intéresse pas mal de thématiques, que ce soit l’entrepreneuriat, l’aspect environnemental, les bons plans, le life style…  Beaucoup de media ont relayé l’arrivée de Too Good To Go en France et dans leur ville. C’est ça qui a permis d’aller si vite. Et aussi le besoin que les gens ont d’avoir un impact, de s’engager concrètement dans leur quotidien.

ETDF : Avez-vous été aidée et accompagnée ? Par qui ?

Smart Food Paris & Co - incubateur de Too Good To Go

Paris & Co – incubateur de Too Good To Go

Lucie Basch : Au fur et à mesure de notre aventure, on a été aidé par de nombreuses personnes et tout d’abord par nos incubateurs. Too Good To Go a tout d’abord été incubé par Make Sens qui est un incubateur de l’entrepreneuriat social et aide les entrepreneurs sociaux à résoudre leurs problèmes, à avancer dans leurs projets. Ce sont 6 mois qui nous ont vraiment aidés au début de l’aventure. Qui nous ont permis de passer de 2 à 15 par exemple. Mais aussi d’entrer en contact avec énormément de monde, ce qui a été très précieux.

Puis on a été accueillis par Paris & Co, l’incubateur de la Ville de Paris, dans l’antenne smartfood qui regroupe les start-up de la foodtech. De la même manière, ça nous a permis de faire le lien avec les collectivités locales. Donc la mairie de Paris, mais aussi les mairies d’arrondissement. Et tous les organismes d’état qui aident les entrepreneurs. Egalement, il y a des partenaires de l’incubateur comme par exemple Carrefour, avec qui nous avons pu développer des relations utiles.

On a aussi bénéficié d’aides financières en participant à de nombreux concours qui nous ont permis de démarrer. On a fait aussi une campagne de crowdfunding au tout début en juillet 2016. Ça a permis à beaucoup de gens de nous découvrir mais aussi de nous soutenir financièrement. On a même dépassé l’objectif qu’on voulait atteindre. On a levé plus de 12000€. Ce qui peut paraitre pas grand chose mais en fait était pour nous énorme à l’époque. C’est le moment où j’ai pu commencÉ à arrêter de payer tout de ma poche, à avoir une première entrée d’argent dans l’entreprise, à décoller et à changer d’échelle.

ETDF : Quels challenges techniques avez-vous du relever ?

Lucie Basch : Je suis ingénieur de formation, donc j’ai voulu commencer à développer l’application moi-même. Je me suis vite rendue compte que c’était très long, très laborieux, et que mes compétences pouvaient être exploitées ailleurs que dans le développement technique de l’application. Donc très rapidement, on a recherché des développeurs. Au début on avait juste un site web. Les gens y passaient des commandes qu’on transmettait par email aux commerçants donc c’était vraiment manuel. Et puis, dès qu’on a pu recruter un développeur, on a pu commencer à créer l’application.

Si j’ai un conseil à donner là-dessus, c’est : n’attendez pas que votre application soit prête parce qu’elle ne le sera jamais. C’est-à-dire que lorsqu’on a lancé l’appli, il y avait encore énormément de bugs. Beaucoup de personnes ne pouvaient pas l’utiliser. Enormément de caractéristiques n’étaient pas encore développées. Mais on a choisi de la lancer en se disant que c’est un peu du beta permanent. Et que c’est au contact de nos utilisateurs qu’on apprendra les options qui ont le plus d’importance pour eux, quels sont les développements sur lesquels on doit de focaliser.

Et puis, sachant que c’est une toute jeune entreprise, un projet qui les touche, les gens sont beaucoup plus compréhensifs. Grâce à ça, on a vraiment créé une communauté d’utilisateurs très proches. Ils nous ont vraiment aidés dès le début à mettre au point le projet et sont devenus de vrais ambassadeurs de Too Good To Go.

ETDF : Quels sont vos objectifs à présent ?

Lucie Basch : Ce qui est important maintenant c’est de continuer à développer Too Good To Go dans de nouvelles villes. Et aussi de densifier le nombre de commerçants dans les villes où nous sommes déjà présents, parce que personne ne va faire 1/2h de transport pour aller récupérer un panier d’invendu à l’autre bout de sa ville.

Le 3ème objectif enfin est d’agrandir notre base utilisateurs en parallèle, pour s’assurer que l’offre et la demande se retrouvent facilement et que le nombre de repas sauvés soit vraiment important.

Ensuite on se développe de plus en plus à l’international. Aujourd’hui on a développé le concept dans 5 autres pays en Europe. Notre désir est d’éprouver notre modèle dans les 6 pays où l’on est présents. Et bien sûr de l’étendre à davantage de pays. Le gaspillage alimentaire, c’est une problématique qui hélas n’a pas vraiment de frontières géographiques. Il faudrait donc exporter le concept dans le monde entier le plus tôt possible.

ETDF : Quels sont les enjeux pour internationnaliser Too Good To Go ?

Lucie Basch : Le gaspillage alimentaire est présent partout, sous différentes formes. Donc la clé, c’est d’avoir un concept très local qui puisse s’adapter à la culture de chaque pays.

En Asie, par exemple, ils ont une approche de la nourriture qui est un peu différente. Ils font beaucoup de plats en sauce qui se conservent plus longtemps. Ils ont moins de viennoiseries qui ne se gardent qu’une seule journée. Par contre, la culture du take away est très présente. Ils font moins de préparations à la demande et plus à l’avance, donc forcément ça fait du gaspillage alimentaire. Et donc des opportunités pour développer Too Good To Go.

ETDF : Existe-t-il d’autre applications comme Too Good To Go ailleurs dans le monde ?

Lucie Basch : Pour l’instant on a le plaisir de dire qu’on est le leader mondial des applications contre le gaspillage alimentaire. Et la raison c’est qu’il y a encore très peu d’acteurs pour le moment. Il y a pas mal de « concurrence » qui se développe, mais on ne les considère pas vraiment comme des concurrents puisqu’on a tous le même but : réduire le gaspillage alimentaire et il y en a pour tout le monde.

Quelques applications se développent indépendamment. Mais beaucoup aussi nous contactent pour au contraire développer Too Good To Go dans leur pays. C’est parfait pour nous car c’est comme ça qu’on a envie de se développer dans d’autres pays. Garder des valeurs très locale avec des cofondateurs bien implantés dans leur pays. Permettre à un maximum de personnes de s’impliquer à nos côtés pour vaincre le gaspillage alimentaire

ETDF : Sur quels autres fronts faut-il encore combattre le gaspillage alimentaire ?

Lucie Basch : Le gaspillage est à tous les étages de la chaîne. Ça commence au niveau de l’agriculteur qui va devoir jeter une partie de sa récolte parce qu’elle n’a pas le bon calibre ou des taches et va partir directement à la poubelle. Ça continue chez le transformateur dont les process intègrent beaucoup de pertes. Jusqu’au commerçant qui prévoit trop et se retrouve à jeter. Et même chez nous, le consommateur est un énorme producteur de gaspillage alimentaire. Dès que la date de DST arrive, on jette à la poubelle. On prévoit mal aussi ce qu’on a dans le frigo, on cuisine de moins en moins et ça aussi ça produit énormément de gaspillage alimentaire.

Too Good To Go, n’intervient qu’au niveau du gaspillage chez les commerçants. Mais nous espérons ainsi éveiller les consciences sur cette problématique pour que d’autre actions soient menées de façon plus globale, dans une logique d’économie circulaire.

MÉMO

Charge utile maxi : 200 kg
Autonomie : 70 km avec 100kg de charge
Temps de recharge des batteries : 4h
Prix : 2500€ à 8000€ pour 100 unités
Délai de livraison : 3 mois pour 100 unités

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